magiques émotions
« C’EST QUAND MÊME UN DRÔLE DE METIER, ce que vous faites… »
« ça doit pas être gai de vider des maisons… »
allez, prenons le temps de nous arrêter sur ce drôle de métier qui me passionne…
déjà, j’interviens assez peu dans le cadre de successions. le plus souvent, ce sont des personnes très âgées qui viennent de rentrer en maison de retraite. elles sont encore vivantes, et du coup leurs enfants sont moins « tendus » et l’ambiance plus sereine.
et dans un tel contexte, je vais être un des derniers à m’intéresser à la globalité de la vie de ceux qui viennent de déménager.
parce que, quand on vide entièrement une maison, on reconstitue plus de la moitié de l’existence de ses anciens habitants, que ce soit à travers leurs goûts de meubles, de décorations, de vaisselles, ou encore leurs choix de livres ou de disques… passionnant vous dis-je, et pas triste pour un rond !
ce sont les témoignages d’une époque révolue, un temps où on achetait des meubles en ayant soin qu’ils durent toute sa vie, et pas le temps d’une mode. ce critère privilégiait des bois nobles et denses, et des meubles chevillés ou vissés, qui ne s’écrouleraient pas au troisième déménagement…
et ces meubles là ne relevaient pas de circuits industriels. on sent encore la patte de l’artisan qui allait même parfois jusqu’à signer son oeuvre, tant il était fier de son travail.
et il y avait de quoi ! je pense à cette table de ferme tout en chêne, tellement dense qu’elle a survécu à l’incendie de la maison sans avoir une seule brûlure… bien sûr, elle m’encombre un peu depuis 3 ans qu’elle est là, mais je n’allais quand même pas mettre aux encombrants une table pareille ! elle a trouvé sa place et un jour, c’est sûr, quelqu’un aura le coup de coeur pour elle.
en ce temps là, les salons n’existaient pas, tout se déroulait dans le séjour, où on s’attablait tant pour manger que pour l’apéritif ou la conversation.
c’est aussi un temps où les chambres n’avaient pas la surface de petits studios, mais constituaient autant de cellules de repos aux surfaces restreintes. seulement, la salle de séjour était la pièce à vivre par excellence où tout le monde se retrouvait pour se parler, sans tablette ni internet.
n’allez pas croire pour autant que je n’apprécie pas la modernité. non, seulement j’apprécie aussi le charme de ces temps enfouis, où on savait s’attabler en silence pour contempler les flammes jouant dans l’âtre, dans une odeur d’encaustique répandue par des meubles souriants.
et puis, il y a la vaisselle !
à travers les cachets imprimés à leur revers, plats et assiettes nous invitent à un tour de France de notre histoire industrielle, lorsque les manufactures fleurissaient sur tout le territoire, qui près des forêts, qui près des gisements de terre, pour nous concocter d’improbables plats de service aux décors si variés. c’était surtout entre 1850 et 1950 (et là, quand même, j’étais pas né !)
n’oublions pas les verres, cette invention magique qui part du sable, le chauffe jusqu’au point de fusion qui nous donne ces gobelets magiques où le vin prend tout son éclat (avant de nous ramener, si on en abuse, sur… le sable !). il y en a des ronds, des longs, des petits, des grands, et pour chaque type de boisson.
point de desperados ou de mojito, en ce temps là, mais odeurs et couleurs de vins : des blancs, des rouges, des pétillants, des cuits, et une ribambelle de saints pour accompagner le repas du dimanche : saint Estèphe, saint Emilion, saint Julien, saint Véran, saint Joseph… avec un tel défilé, c’était plus simple de choisir les prénoms de ses marmots ! surtout que, sans chauffage central et sans télévision, la courbe démographique était plutôt ascendante…
allez, on arrête là pour aujourd’hui… mais promis on continue bientôt !
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